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petite terre

voyages et anecdotes

INDIA BOOK Chez les pêcheurs

Chez les Pêcheurs

Indépendamment

 

 

Partir pour « Fathipur » à travers les délicieuses couleurs dorées par un soleil brûlant, beaucoup d’arbres au feuillage très fin donnent de la douceur au paysage. En fait ce sont des essences très rudes au tronc sec, dur, noir et tortueux. D’autres comme des genêts géants sont couverts de fleurs jaunes et orange aussi. Plaisir de croiser des femmes parées de leurs lourds bijoux et drapées de flamboyantes couleurs. Le voile qui sert ces coquettes avant tout à se protéger du soleil est rebrodé de sequins d’argent qui miroitent. On retrouve leur goût des couleurs sur les portes des maisons qui sont peintes en argent. Les hommes plus discrets ne sont pas moins coquets. Leur énorme turban change de couleur suivant les villages, et leur forme change aussi par la manière de le nouer. Au sud il était seulement enroulé sur une oreille, ici il est plus rare et moins volumineux mais leurs boucles d’oreilles ont trois larmes articulées.

Le bus, comme souvent me dépose à des kilomètres de la ville, me mettant à la merci d’autres transporteurs qui me laissent désemparé dans un hôtel qui a doublé ses prix sans se soucier de redonner un aspect accueillant et propre. Les bâtiments se devinent parfois assez beaux, alors je ne comprends pas.

La ville a conservé beaucoup de havelis, la plupart en mauvais état ou fermés. Ils commencent à bâtir de solides copies en béton, il y a également des restaurations en cours. Un de ces havelis se transforme en temple entièrement recouvert de carreaux de céramiques….

Quand des gens vivent là, ils me font entrer. Je peux admirer les peintures sous le linge qui sèche et les divers ustensiles utiles à la vie quotidienne.

Il y a un petit temple tout en marbre, surmonté de coupoles si fines qu’elles laissent passer la lumière. Mais les portes vitrées du bas ne veulent pas s’ouvrir. Le jardin plein de fleurs qui l’entoure est un joyau rare ici, le choix des roses trémières pour remplir les parterres entre les allées de marbre est des plus heureux. Il s’accorde avec la fausse simplicité de l’architecture.

La rue commerçante peut être qualifiée d’endormie ou d’active selon le regard : à l’intérieur des boutiques les commerçants sommeillent tandis que dans la rue trottent de minuscules ânes et flânent les curieuses….

Un haveli m’ouvre ses portes comme si j’étais un invité de marque et ça me donne l’impression d’être un extra-terrestre. Le haveli est petit, la cour intérieure est entourée de portes en teck finement ouvragées sur deux étages. Tous les murs sont couverts de peintures, motifs floraux, frises de guerriers avec des chevaux, des chameaux ou des éléphants. Les couleurs s’alternent, un motif est à dominance bleue, l’autre brune etc…

Sur le toit en terrasse dépassent deux petites chambres sont des nids de noces.

Cette ville abandonnée s’est plutôt bien conservée, maintenant qu’elle semble revivre elle commence à se détruire à toute vitesse. Ca commence par une restauration en vert et bleu du rez-de-chaussée et souvent suit un radical nouveau bâti pour agrandir la boutique qui n’a nul besoin d’arcades et de décorum.

De place en place des musiques hurlent avec des voix égrillardes, des hauts parleurs diffusent des prières sans fin qui font regretter le court, quoique fréquent, appel des musulmans. Dans la rue principale les bus « express » qui doivent être ralentis le moins possible abusent d’avertisseurs qui ont tout un refrain déchirant les oreilles. Bientôt ils auront sans doute le couplet. Et rien ne semble pouvoir arrêter cette escalade qui fait croire que l’on est puissant.

 

Maintenant je peine comme l’âne que je suis pour porter mes bagages, nous arrivons à la fin. Je préfère la marche à pied pour le kilomètre qui sépare le bus stand de mon hôtel, ignorant les chauffeurs de jeeps vides qui ricanent et les bus lancés à grande vitesse. Je trouve aujourd’hui que réussir à partir est un exploit, tellement je comprends peu leur conception du service au voyageur. Sans doute la raison qui fait que ce bus n’est pas bondé. Le paysage désertique est régulièrement planté d’arbres actuellement couverts d’une magnifique floraison rouge orangé. Les puits se dressent de place en place, signalés par quatre petits minarets qui en font de véritables petits monuments. A Jhunhunu dont l’étrangeté du nom pourrait être une curiosité touristique, les havelis ont de multiples attraits. Dans le « Khetri haveli » la grande cour est utilisée pour l’entraînement du criquet. Le palais est maintenant abandonné, une rampe monte en spirale dans une tour vers l’entrée. C’est une architecture délicieuse, les matériaux semblent légers, la lumière est filtrée par des ouvertures en ogives et de fines colonnes. Les autres havelis sont en général très décorés, des bouquets de fleurs stylisées, des personnages en médaillon, des scènes de la vie courante et bien sûr des dieux. Il y a

Aussi ces petits miroirs qui sont tant aimés au Rajasthan. Ces habitations sont gardées par de vieilles personnes en général endormies sur un lit de cordes dans le porche d’entrée.

Quelques rencontres originales, un jeune guide qui n’aime pas le thé me présente un moderne boutiquier qui tient à m’avoir chez lui à la campagne, dans sa ferme ou vivent une soixantaine de chameaux. Après avoir dressé la liste de tout ce que j’aime pour le dîner nous attendons tous trois un vieux bus qui dessert les villages. Bien sûr la curiosité est générale ! La route trace à travers de très hautes herbes sèches que le véhicule taille au passage tellement la route est étroite. Par endroits elle n’a pas de revêtement et la traversée des villages exige d’adroites manœuvres pour épargner l’angle des maisons. Me voilà donc dans une maison indienne, une cour sablée et des bâtiments de part et d’autre. Y vivent au milieu le buffle et son petit, une vache, une chèvre et son chevreau et un chameau viendra aussi y passer la nuit. D’un coté l’ancêtre reçoit des amis sur des lits de corde, à l’opposé les femmes plus ou moins voilées s’agitent avec les enfants. Je ne tarde pas à comprendre que je suis ici comme une curiosité pour l’orgueil de mon hôte qui parle désespérément fort. Nous dînons dans la véranda où vivent les femmes, mais elles sont absentes. Après mes amis proposent d’aller dans la campagne visiter un temple. Il fait nuit depuis longtemps déjà, la promenade est agréable, sous les étoiles dès qu’on s’éloigne du village et des prières criées par les hauts parleurs de la mosquée il n’y a plus que le silence pesant de la terre où l’on devine le bruissement de la vie nocturne.

Mes compagnons réveillent sans ménagement les deux sâdhus qui logent dans ce petit temple, simplement pour montrer l’objet de la visite : moi !

Les malheureux répondent aux règles de l’hospitalité en offrant le thé, fabrication qui requiert un savoir faire que gaz et électricités nous ont fait oublier depuis longtemps. Nous allons encore chez un militaire à la retraite, malgré l’heure tardive et à peine tiré de son sommeil il trouve nombre de questions, jusqu’aux livraisons d’armes par la France, ce qui emmène le délicat problème des rapports avec le Pakistan. Je me sens fatigué par ces prestations improvisées d’ambassadeur, mais de retour à la maison après les recommandations et interdictions qui résument l’usage des toilettes pour les petits besoins : n’importe ou dans la cour, autrement près de la vache et en aucun cas passer l’enceinte de la maison, j’ai droit, il me semble, au meilleur, parcequ’unique, lit.

A cinq heures la maison s’éveille. Les femmes rentrent sans gêne dans ma chambre, c’est vrai il n’y a pas de porte et c’est sans doute leur pièce. Le petit déjeuner se limite à une tasse de thé- j’ai bien oublié ce que nous avons mangé hier soir- et je vais pisser derrière l’arbre.

Le soleil se lève dans un ciel pur, en cela rien d’étonnant. De la terrasse je domine la campagne et les maisons voisines. Les paons paradent allant de toit en toit, les mâles souvent perchés dans les arbres. Une étrange répétition de maison en maison.

Soudain nous courons prendre le bus. Un bus qui transporte des paysans, barbus et sales et qui semblent heureux ce matin qu’il y ait un passager différent. Un français est venu voir des chameaux.

En rase campagne nous allons à la recherche du troupeau. A travers arbustes rabougris et épineux nous finissons par tomber sur eux, la plupart entravés et les chamelles suitées de magnifiques chameaux miniatures couverts d’une laine frisée qui parait très douce. Il y a toutes les nuances du gris clair au brun brûlé. Les chamelles me semblent grandes, certaines très velues, d’autres sont tondues. Leurs yeux sont cachés par de longs cils. Et puis je fais mon tour sur un chameau –non mais !-

Libéré de mes hôtes je suis à nouveau invité, par une jeune fille, pour visiter le haveli ou elle habite. La demeure est sans grand intérêt, mais la fille est en manque de conversation, coincée dans une éducation trop traditionnelle encore, et des rêves sur l’Europe et le business.

  • Comment ? On ne m’a pas offert de « curd » ce matin !

Puis après m’avoir fait comprendre qu’elle appartient à une famille riche -(les convenances)- me signifie mon congé. (On ne peut recevoir plus longtemps un homme)

La ville est séparée en deux quartiers : le coté musulman et le coté hindou, sans bien sur de démarcation visible. Toutefois le coté musulman est beaucoup plus bétonné et sale que l’autre. On y trouve les petits métiers, ceux qui ne sont pas nobles, les forgerons y fabriquent des cages à poules en métal tressé, très belles et très lourdes et qui sont en fait des gardes manger…

Il y a aussi des ciseaux faits mains, de véritables pièces de collection. Les femmes se promènent dans les rues totalement voilées de noir, tandis que les hommes aux longues barbes souvent teintes au henné boivent du thé. Les gamins y sont plutôt agressifs et sales au-delà de la description.

Je découvre, pour la millième fois, un petit temple ravissant dans la naïveté de son décor. Hélas tout se dilue avec le temps, les délicates et extravagantes scènes de processions perdent leurs couleurs.

Il y a encore beaucoup de haves, en plus ou moins bonne condition, quand les arbres défoncent les murs ils deviennent des lieux d’aisance, et souvent le béton leur donne un nouvel usage et enlève complètement leur charme.

Mais la vie est dans la rue. Le marché surtout est animé, de tout petits ânes tirent des charrettes démesurées, trottant d’un petit pas pour transporter des tonnes de marchandises. Les cochers, des enfants parfois, se tiennent en équilibre sur les planches en se déplaçant d’un coté à l’autre pour diriger l’attelage.

 

Mandawa est aussi la ville des havelis. Il y en a partout, la plupart habités, de vrais palais. Multitudes de fenêtres et fraîches peintures, parfois les sujets sont amusants. Les restaurations vont bon train car il y a du touriste à Mandawa. Hélas la peinture à l’huile n’a pas les qualités des pigments traditionnels. Ca s’écaille et ça jaunit à peine fini. On bétonne mais ça craquelle….

Il y a une course à la monnaie assez incroyable. Dès qu’ils ont l’age de marcher jusqu'à être papi on réclame à coup de dix roupies.

Au temple de « Raganath » le « guide » me montre les Dieux éternels : Krisna, Hanuman et compagnie et la monnaie pour le « puja ». Je fais semblant de l’ignorer. Le vieux prêtre grabataire qui ne peut voir ce que je fais demande à intervalle régulier :

« - il a donné la monnaie ? »

« - non ! Il dessine. »

Mon hindi est maintenant assez avancé pour comprendre.

Il aurait fallu donner après au baba, puis au guide, etc. etc.….

Je préfère passer un peu de temps à chiner, il y a des fabriques de copies et quelques curiosités.

Comme toujours le soleil tape fort et endort la ville quelques heures pour la sieste. Les portes des havelis sont fermées et c’est le seul moment ou il n’y a pas le harcèlement pour ces fameuses roupies.

Comme je cherche un restaurant, dans un hôtel on me propose un thali à cent cinquante roupies. Le serveur m’avoue gentiment que c’est du vol et m’indique une gargotte ou on mange la même chose pour vingt roupies. Peut-être la nourriture est-elle fabriquée au même endroit.

Sans chi mais heureux de me recevoir, sans faire de manières pour mieux me voler, le maître des lieux me servira mon repas quotidien…

 

Je m’installe dans une boutique de bibelots. Je suis invité pour boire un thé. Mais le thé est long à arriver. Je comprends le manège pour attirer les clients. Je suis là comme appât. C’est un peu comme la chasse. Le boutiquier flaire la nationalité des touristes, puis lance une phrase d’accueil dans la langue appropriée :

« -Bonjour grand père ! »

Pourtant l’homme ne parait pas si vieux !

Et les rabatteurs qui sont à l’affût !

Si le touriste vient on ne le laisse plus partir. C’est bien le diable s’il n’y a pas une babiole qui l’intéresse…

Je m’amuse aussi, admirateur de leur sens du commerce. Je leur raconte leur pays qu’ils ne devinent pas.

« - Au Sikkim les filles sont moins compliquées… »

Ce qui est entendu comme : elles couchent toutes !

 

Il y a des domaines qu’ils maîtrisent mieux que la sexualité des filles. Pour ramasser quelques roupies de plus les transports sont parfaitement désorganisés. Les bus ont d’imprévisibles retards et une jeep vient toujours ramasser un trop grand nombre de passagers juste avant l’arrivée de celui-ci. Après quelques heures entassé sous la bâche le passager est mûr pour payer une somme indue. Et les rickshaws prennent la relève !

A coté de ça les gargotes qui servent l’inégal thali paraissent parfaitement honnêtes et garantissent une ambiance authentique. Pour ce qui est du train celui de cette nuit a six heures de retard, ce qui compense d’autres d’une surprenante exactitude. Enfin je peux m’allonger pour attendre sur un banc à l’abri des moustiques et des merdes de pigeons, ça mérite d’être révélé ! Les gens autour de moi sont intrigués de me voir dans cette situation et en short par cette nuit fraîche, mais ils savent ne pas le faire remarquer et ne font pas autrement cas de moi.

Dans le compartiment, au milieu de la nuit, ou plutôt au petit matin pour eux, les conversations sont hurlées et les crachats font le fond sonore. Un pet d’une puissance pas ordinaire laisse l’assistance quelques secondes silencieuse. Puis tout reprend, elle ne semble pas dérangée outre mesure.

Les gens savent bien dans les trains s’accommoder de quelques inconforts, ignorer des situations que le quotidien de leur caste normalement épargne, ou au contraire banalise.

 

C’est vraiment le dernier jour en Inde, sans doute pas le plus passionnant. Essayer de partir en beauté, sans problème. L’arrivée à Delhi se signale par le volume du béton. D’immenses lotissements sont en préparation. Ils se plantent sur des marécages qui font reculer les oiseaux. Adieu les oiseaux ! Des semblants de villages vite bâtis sur des rues étroites. Souvent seulement les murs bâtis en cube autour d’un rideau de fer : « businessman »

Puis les bidonvilles. Ils signalent leur présence par l’odeur ! Des villes entières faites de rien. Entre des tentes de fortune, un étroit passage. Où prennent-ils l’eau ? Quant aux toilettes c’est facile à voir. A espace régulier quand le terrain n’est pas occupé, entre les voies, les hommes sont les fesses à l’air à déféquer. Mais les femmes ? Plus on approche de la ville plus on voit ces bâtisses de fortune à étages. Autour d’une scierie elles sont en planches (volées ?) ailleurs c’est tout ce qui est supposé résister un peu à l’eau : du plastique, de la tôle, du bois, du carton, des chiffons…..

 

Voilà ! D’un coté à l’autre, des milliers de kilomètres. D’un voyage à l’autre presque une année dans ce pays. Il y a encore tant de choses à y découvrir et je sais maintenant qu’il est facile de passer et de ne pas voir et de ne pas comprendre les choses essentielles.

Plus qu’un pays c’est un monde, différent en tout de ce que nous pouvons connaître et imaginer dans notre vieille europe. Pays où on perd ses références et ses points de repères. Un statut de blanc qui ne peut pas nous faire oublier les disfonctionnements d’une mécanique à cliquets dont personne ne fournit le mode d’emploi. Plus on essaie de comprendre et plus la complexité de cette culture est déroutante. Il faut être bien prétentieux pour prétendre connaître l’Inde, et manquer de curiosité pour ne pas avoir envie, un jour, un peu, de voir.

Pour moi le pays le plus mystérieux et le plus complexe. D’archaïques et immuables coutumes c’est un pays qui se projette dans un avant-gardisme inquiétant préfigurant peut-être les villes du XXIeme siècle ; conservateur, comme par oubli de modes de vie moyenâgeux il devient moderne sans se rendre compte.

Je trouverai, avec un peu d’effort, mille raisons pour vanter l’Inde, mais aussi mille autres pour la dénigrer et rester honnête !

 

Je rentre.

 

 

 

 

 

 

HubertR@nouxVoyages ©

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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